Que la force soit avec toi

Que la force soit avec toi!



(célèbre citation d’un chevalier Jedi dont le grand-père était sans doute un boulanger ayant la tête dans les étoiles)


Définir la force :


En boulangerie, le travail se résume (de la manière la plus brève qui soit, s’il en est) en 2 phénomènes : la fermentation et la « prise de force ». Si le premier est parfaitement clair, qu’en est il du deuxième ? Grand débat qui n’a pas encore eu lieu parce que chaque boulanger ressent des sensations auxquelles il donne un nom, un terme, et une définition assez floue, que lui seul semble trouver correcte, mais où tout le monde se retrouve :


la pâte


– a une bonne force


– a une mauvaise force


– est costaud (donc bien… ?)


– n’a rien dans le c… (donc pas bien… ?)


– est tenace (donc… ?)


– etc…


Quel est le prof qui fait un cours à  part entière sur la force de la pâte ? Pour ma part, ce n’est malheureusement pas exactement le cas, pas encore, mais ça vient ; parce que maîtriser la fermentation des pâtes dans le pain de tradition française est inconcevable si l’on n’y inclut pas la notion de force.


Bien sûr, nous en parlons tout le temps et observons les phénomènes lors des cours de pratique, mais à  part une définition dans un lexique et une sensibilisation progressive en laboratoire, il n’y a rien de très précis, appliqué, sur le plan de l’explication technologique (et moi, j’aime bien la techno !). Qu’en disent nos ouvrages de référence ? (je n’en citerai que trois pour exemple, qui sont reconnus à  juste titre pour leur qualité)


– Le Livre du Boulanger (Guinard/Lesjean) : Force : Conjugaison des 3 propriétés mécaniques d’une pâte, qui sont souplesse, élasticité, et ténacité […(voir le pointage) la pâte qui prend de la force devient « moins souple,elle prend de la tenacité »] […(voir la farine) une bonne pâte possède « une bonne extensibilité » et « suffisamment de tenacité » …le rapport P/L de 0,5 est le résultat de P (pour tenacité) / L (pour extensibilité) …]


 


– Devenir Boulanger (CNBF/INBP) :


Force : Rien dans le glossaire ! …Rien dans la farine …Rien au pointage… DISPARUE ! ! !


(ça me chagrine un peu)


 


– Les Pains Français (Roussel/Chiron) :


Force : 1) […(définition scientifique donnée au mot « force ») doc 5.3.1 : on appelle force, toute cause capable de : déformer un corps ; mettre un corps en mouvement s’il est au repos, ou de l’arrêter s’il est en mouvement. Le Newton (N), unité de force, est la force qui communique à  un corps ayant une masse de 1kg, une accélération de 1m/s/s…] Rien à  voir avec un nom donné depuis la nuit des temps par nos ancêtres boulangers qui ont eux aussi essayé d’expliquer ce qu’ils ressentaient avec leurs mots…


Force : 2) […doc 3.1 : doc 3.1.2 : le langage traditionnel en boulangerie fait apparaître une confusion entre les termes, exemple : extensibilité/élasticité, tenacité/fermeté/force…


doc 3.1.2 :la consistance : ou l’état de fermeté de la pâte… Le collant : force d’adhérence… Le relâchement :…écoulement de la pâte sous son propre poids, ce qui correspond à  une tenue insuffisante de la pâte… L’extensibilité :…capacité d’alongement ou de déformation… L’élasticité :…capacité…à  reprendre…sa forme…


doc.3.2.7.2 :interprétation des paramètres alvéographiques… P… correspond à  une tenacité ou résistance maximum à  la déformation. Elle dépend de la consistance…de la résistance élastique… G…est fonction des capacités d’extension… P/L est ce rapport entre tenacité et extensibilité…]


Il est à  noter que le document 3.1.2 explique clairement 4 phénomènes, dont l’un d’eux, le collant, n’entre pas dans le W de l’alvéographe ;


le document 3.2.7.2 est très bon mais manque (encore à  mon goût) de précisions pour le P, il parle (enfin) de rapport interactif au niveau du P/L.


Cependant (cela m’avait échappé en première lecture), il apparaît le paramètre « Ie » (pour Indice élasticité), issu de « Kitissou, 1995 » ; …je ne sais pas ce que cela veut dire)… qui correspond ( ?) au p200/P, c’est à  dire au p200 pression à  200cm3 de gonflement divisé par P pression maximum multiplié par 100 (donc encore un rapport. Qu’est ce que c’est ? C’est un chiffre qui […met en évidence les variations de chute de la courbe…] …


TOUT EST LA !


 


J’aime bien, pour ma part, essayer de comprendre les approches scientifiques (si c’est à  ma portée… limitée je l’admet, mais je me soigne). Alors si ce détail « musclé » vous intéresse, je serai ravi de partager tous points de vue ; voici le mien, issu entre autres de 3 ans d’expérience en laboratoire d’essai en meunerie, celui que je donne (partiellement) à  mes apprentis :


Force : correspond aux propriétés mécaniques/plastiques d’une pâte.


Elle est fonction de la valeur boulangère de la farine (déterminée par l’alvéographe de Chopin), de la méthode de panification employée par le boulanger, est influencée par les températures (de pâte, ambiante), et par la quantité et le type de fermentation utilisés (levure, levain, poolish…)


Pour donner son appréciation,le boulanger usera de ses sens tactiles et visuels. Elle est composée de 4 éléments que l’on retrouve dans l’alvéographe, le W représentant l’ensemble de la force : P ;L;P/L ; et… (nous le verrons plus loin…suspens … ! ?)


Il faut donc tenir compte de ce que l’on peut ressentir au toucher (le collant étant un paramètre spécifique, pouvant être dérangeant mais qui n’affecte pas directement les résultats de l’alvéographe (… ?),(il est cependant fortement lié à  la consistance), mais aussi de l’état de lissage que l’on observe visuellement.


Les 4 éléments :


– la consistance : dureté de la pâte (elle peut être molle, douce, bâtarde, ferme, dure)


Comment percevoir cette sensation : par pression entre les doigts, en « écrasant » la pâte. ex : une pâte « dure » a + de force qu’une pâte molle, elle résiste alors nettement à  la pression exercée.


– l’élasticité : capacité à  reprendre + ou – sa forme initiale après déformation


Comment percevoir cette sensation : visuellement, en étirant et en relâchant immédiatement, on observe la réaction de rétraction + ou – vive de la pâte. ex : une pâte très élastique a + de force qu’une pâte peu élastique, elle se rétracte alors vivement (mais ne reprend tout de même jamais totalement sa forme initiale)


– l’extensibilité : capacité d’allongement sans déchirement (une pâte peut être courte, normale, longue)


Comment percevoir cette sensation : en étirant lentement, par petits à -coups, jusqu’au déchirement. ex : une pâte très extensible (longue) a – de force qu’une pâte peu extensible (courte, où le boulanger parle souvent de « fausse force ») ; elle s’allonge alors largement, présentant par la même occasion un aspect très lisse.


– la tenacité : rapport entre 2 (ou les 3 !) éléments


Comment percevoir cete sensation : C’est là  que ça se complique ! Il s’agit de l’ensemble des perceptions précédentes, ressenties en interaction les une avec les autres, proportionnellement entre elles, … les unes par … rapport … aux autres.


Pour mieux comprendre :


Considérons une « pâte témoin », « idéale » :


la consistance « C » est bâtarde ;


l’élasticité « El » est normale ;


et l’extensibilité « Ex » est normale.


La tenacité est donc « normale ».


Affublons les sigles C, El, ou Ex, d’un signe + (pour augmenter), ou – (pour diminuer) le phénomène, et rendre cela ludique et rapide.


ex.1 : changeons la consistance : une pâte + ferme (C+) est + tenace que le témoin.


ex.2 : changeons l’élasticité : une pâte + élastique (El+) est + tenace que le témoin.


ex.3 : changeons l’extensibilité : une pâte + courte (Ex-) est plus tenace que le témoin.


Les possibilités sont énormes ! Imaginez donc les formules : C+ El+ Ex+ ; C- El+ Ex+ ; C+ El- Ex+ ; C- El+ Ex- ; … etc…


Une bonne pâte à  brioche ? C- El+ Ex+ ;


Une bonne pâte à  pain de seigle ? C+ El- Ex-


Mais qu’est ce qu’une pâte « souple » ? …Une pâte dont la tenacité est parfaite, un mélange de forte élasticité (sans excès cependant), de consistance bâtarde à  douce, et d’une extensibilité en adéquation avec tout ça. (un rêve de boulanger, du « cul-de-bébé » !) Tout ça pour dire que la tenacité en excès est un défaut, dont l’opposé est une qualité : la souplesse.


Alors que chacun des 3 autres éléments, en manque ou en excès créent un défaut.


Le plan alvéographique : Sur ce plan, après avoir cherché un bon moment, j’ai trouvé un document commercial de chez Chopin (non, ce n’était pas une partition !), que j’interprête à  ma façon…


Quelqu’un peut-il m’expliquer, ou me confirmer ?


Une personne avec qui j’ai eu le plaisir de travailler (S.Jollet)m’a expliqué en 1992 (3 ans avant Kitissou donc !) qu’un calcul semblait manquer à  mes courbes d’alvéo, que l’on pourrait appeler le « Pzéro/P », et nous n’avons pas eu le temps d’approfondir la question.


 


Sur le document commercial de l' »alvéographe NG » de Chopin, machine + moderne, j’ai cru y voir la réponse :


Selon le CDROM « Ces Gestes qui font le Pain », le livre de Chiron/Roussel, celui de Guinard/Lesjean, et les paramètres donnés pour l’alvéographe, tout le monde (moi y compris) est d’accord pour :


– le W représente la force boulangère en général –


le L (ou G) représente l’extensibilité


Pour le reste…


le P soit :


– représente la tenacité (pression en relation avec la capacité d’absorption d’eau)(CDROM)


– représente la tenacité (résistance à  la pression, consistance + élasticité)(Les pains français)


– représente le tenacité (Le livre du Boulanger)


– représente la tenacité (résistance à  la pression)(Chopin)


le P/L soit :


– représente l’élasticité (rapport consistance/extensibilité)(CDROM)


– rapport entre tenacité et extensibilité (Les pains français)


– tenacité/extensibilité (Le livre du Boulanger)


– rapport de courbe (Chopin)


 


Boulangèrement parlant, Chopin ne se mouille pas dans ses documents commerciaux, mais après tout, ce ne sont pas des boulangers, et personne ne semble leur poser plus de questions (même moi, je n’ai pas essayé, mea culpa).


Par contre, Chopin donne 2 autres éléments, nouveaux pour moi :


le « p » (ne pas confondre avec « P ») est la pression minimale (il se situe juste avant le point de rupture à  la fin de la courbe)


et le Ie : p200/P élasticité (p200 est la pression à  4cm du début de la courbe ( ?) ou quelque chose comme ça).


Alléluia. ( ?) Eurêka ( ?) En tout cas je le crois.


Il manquait bel et bien un calcul à  mes alvéos autrefois :


s’il n’y avait eu&nbsp ;à  mesurer qu’une surface (W), une hauteur de courbe (P), et une longueur (L), la courbe serait demisphérique !


Hors il y a cette cassure, cette chute brutale à  quelques centimètres du début de la courbe… Ce calcul du Ie (P200/P élasticité) permet (doit permettre), dans ce qui crée la pression P du début de courbe, de séparer l’élasticité (en dessous de ce point je crois) de la capacité d’absorption liée à  la consistance (au-dessus de ce point donc) qui forcément varie puisqu’un alvéo est basé sur un taux d’humidité constant.


Ceci est mon hypothèse, en attendant toute confirmation ou infirmation :


le P représente une partie de la tenacité, car y sont compris les paramètres de consistance et d’élasticité.


 le P/L représente la tenacité au grand complet !Le rapport entre les 3 éléments de base consistance + élasticité + extensibilité


 


…4 éléments, vous dis-je :


La Terre, ancestrale et riche de semis


L’Eau, de pluie bienfaîtrice


Le Vent, glacé de l’hiver


Le Feu, du soleil de mai


 


Le …5ème élément ?…Le 5ème élément ?


C’est l’Amour, que l’on a semé, et que l’on récoltera.


Là  est notre FORCE. (des fois, je leur dis ça aussi)

Retour en haut